Les petites villes peuvent-elles avoir de grandes histoires? Sans aucun doute. Cela fait presque 30 ans que 4th Line Theatre célèbre la vie des Ontariens en région rurale tout en générant d’importants revenus touristiques.
Pour cette compagnie de théâtre, tout commence en 1990, lorsque le dramaturge, acteur et metteur en scène Robert Winslow hérite de la ferme dont sa famille était propriétaire depuis 180 ans à Millbrook, dans le canton de Cavan-Monaghan. Winslow était très attaché à la propriété, mais n’avait pas les fonds nécessaires pour faire fonctionner une ferme. Il a alors conçu un plan original sur lequel il s’est expliqué dans une interview accordée en 2011 au Northumberland News : « Pour garder la ferme, j’ai eu l’idée de monter une compagnie de théâtre. »
Winslow travaillait déjà à une pièce de théâtre située à Cavan-Monaghan dans les années 1800, pièce qui portait sur les conflits historiques entre les pionniers catholiques et protestants de la région. En transformant la ferme en théâtre, il a pu situer et mettre en scène localement The Cavan Blazers, première pièce de 4th Line Theatre, créée en 1992.
Kim Blackwell – qui était à l’époque régisseuse générale de la compagnie et en est maintenant la directrice artistique – se souvient : « Nous ne savions pas si quelqu’un viendrait, et nous avions six représentations de programmées. » Les six représentations se sont toutes vendues, et la durée du spectacle a été prolongée à six semaines. « À partir de là, poursuit Blackwell, nous avons regardé autour de nous et nous nous sommes dit : « C’est peut-être viable. On devrait penser à raconter d’autres histoires de la région. »
Refléter le cœur et l’esprit de la communauté locale
Près de trois décennies plus tard, 4th Line Theatre continue de recueillir et de transmettre les histoires de générations d’Ontariens du sud-est de la province. Et Blackwell de remarquer : « Très souvent, les gens me disent : « Je n’arrive pas à croire qu’une petite ville comme Millbrook ait autant d’histoires à raconter. Ce que je veux dire, c’est que nous avons déjà passé 28 saisons à le faire. » Et je leur réponds toujours : « Dans chaque petite ville de la province, il y a des gens extraordinaires qui y ont vécu et travaillé. »
Ce que 4th Line a compris très tôt, c’est l’importance de célébrer la population et les traditions locales. « Nous, les Canadiens, ne célébrons pas nos héros, contrairement à d’autres pays », explique Blackwell.
Ce qui est tout aussi important, c’est que 4th Line reconnaît que les gens qu’il met en scène ne sont pas seulement des personnages, mais aussi des proches et des membres de la communauté dont les histoires ont souvent été passées sous silence. « Notre activité artistique touche profondément notre public, ajoute encore Blackwell. Bien souvent, l’histoire que nous racontons est celle de gens qui font partie de l’auditoire, ou celle de leurs parents. »
« Ce que le Conseil des arts de l’Ontario a compris, c’est notre nature communautaire »
Une des raisons qui caractérisent le travail de 4th Line, c’est l’accent que la compagnie met sur la communauté – et c’est aussi une des raisons pour lesquelles le Conseil des arts de l’Ontario a soutenu son travail depuis le début. « Alors que d’autres bailleurs de fonds avaient de la peine à comprendre ce que nous faisions, le Conseil des arts de l’Ontario ne cessait de nous encourager, explique Blackwell. Dès le début, il a compris et a soutenu notre nature communautaire. Si nous sommes sur le point d’entamer notre 28e saison, c’est en grande partie grâce à ça. »
L’histoire est peut-être locale, mais le public ne doit pas forcément l’être
Il est évident qu’aucune compagnie de théâtre ne peut en arriver à 28 saisons sans un public enthousiaste – et les innombrables fans de 4th Line ont transformé la communauté en une destination touristique. Chaque été, plus de 17 000 personnes se rendent dans la région de Millbrook-Cavan, et la grande majorité d’entre elles viennent – et reviennent – pour l’expérience que leur offre la compagnie de théâtre. « Beaucoup de gens de l’extérieur de la région, après être venus une fois, sont séduits et reviennent chaque été », dit Blackwell.
Le saviez-vous? Les touristes artistiques et culturels en Ontario dépensent plus et séjournent plus longtemps : en moyenne, ils dépensent deux fois plus que les touristes ordinaires (667 $ par séjour contre 374 $) et restent plus d’une nuit supplémentaire (4,4 nuits en Ontario contre 3,1).
Source : Profil du tourisme artistique et culturel en Ontario, 2012
Le tourisme a des retombées qui dépassent largement le cadre de la ferme : il stimule le magasinage, la restauration et le secteur de l’accueil. Ce ne sont pas seulement les spectateurs qui contribuent à l’économie locale : « La communauté explose en été, remarque Blackwell, avec plus de 100 acteurs, techniciens, créateurs et acteurs bénévoles. »
« Quelque chose d’incroyable qui se passe directement chez eux »
Les membres de la communauté ne profitent pas seulement du spectacle sur le plan économique – ils font souvent eux-mêmes partie du spectacle. « Ce qui est unique à propos de 4th Line, c’est que nous mettons des acteurs professionnels sur scène avec des bénévoles de la communauté. Et les bénévoles de la communauté ne sont pas seulement des figurants – ils ont des rôles vraiment importants, explique Blackwell. Nous avons des acteurs bénévoles qui participent aux spectacles chaque été depuis des décennies – ça transforme vraiment leur vie. »
Même pour les gens de la région qui ne sont pas directement impliqués dans 4th Line, le théâtre est perçu comme une source de fierté. Comme le fait remarquer Blackwell : « Je sais que beaucoup de gens qui reçoivent des visiteurs en été leur disent : « Nous devons absolument vous emmener à 4th Line » – cette chose incroyable qui se passe directement chez eux. »
Pourquoi un financement stable est essentiel
Le financement du Conseil des arts de l’Ontario a été déterminant pour le travail créatif et les activités de 4th Line – ce qui, à son tour, a des effets d’échos à Millbrook et au-delà. Blackwell note que la subvention de fonctionnement pluriannuelle a donné à 4th Line une assise solide sur laquelle la compagnie peut se développer. Elle ajoute : « Sans le soutien du Conseil des arts de l’Ontario, je doute sérieusement que le théâtre existerait aujourd’hui. Et si c’était le cas, nous serions en train de boiter. »
« La subvention de fonctionnement du CAO nous a permis d’avoir un organisme stable que d’autres compagnies admirent. Je connais des organismes qui n’ont pas accès à ce niveau de financement et pour qui la stabilité pose problème. Ce que le CAO a donné à notre organisme, qui en est maintenant à sa troisième décennie, c’est la stabilité. »
Toutes les photos sont reproduites avec l’autorisation de 4th Line Theatre.